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Paul et Barnabé : une tentative de reconstruction des raisons de leur rupture

  1. Introduction

Certains pensent parfois que l’Église primitive était pure, sans querelle ni problème. Un exemple à suivre, un modèle à recouvrer, une norme à restaurer1. Or, telle n’est pas l’image qui se dévoile d’elle à la lecture, même rapide, du livre des Actes des Apôtres. L’Église qui est décrite dans ce récit n’est pas idéalisée, mais au contraire marquée par un certain nombre de difficultés, de malentendus et de conflits internes. Luc a choisi de conter, plutôt que de dissimuler, des événements ne montrant pas forcément cette toute jeune Église sous son plus beau jour. Par exemple, le péché grossier d’Ananias et Saphira (5,1-11), ou cette dispute plutôt mesquine entre Hébreux et Grecs concernant leurs veuves (6,1). Mais aussi le grand Pierre, porte-parole des apôtres, vacillant dans sa compréhension des intentions de Dieu pour l’Église, notamment concernant l’annonce de l’Évangile aux non-Juifs (10,1-11.18). Et bien évidemment, les nombreuses disputes et divisions autour de la circoncision et du rôle de la Torah dans la vie chrétienne (e.g., 11,2-3 ; 15,1-2, 6-7), le tout aboutissant au concile de Jérusalem en Actes 152. Luc n’épargne donc pas l’Église primitive qu’il dépeint, il n’élude en rien les difficultés rencontrées sur son chemin. Il n’épargne pas non plus les grands « héros » de cette Église, tant ceux-ci avaient aussi, parfois, des pieds d’argile. Mais il est vrai que notre auteur relate également comment le Seigneur guidait l’Église vers la résolution de ces obstacles. Lire la suite »

Israël et sa terre. Conditions d’une promesse

Couverture du N° 106

Couverture du N° 106

 Une fois encore, la violence aveugle, les tirs de missiles en rafales et les raids aériens, accompagnés de bombardements massifs, les morts et les blessures, les destructions et les pleurs, l’épouvante et la peur se sont substitués au mutisme des partenaires d’un « dialogue » qui n’a jamais vraiment commencé au Proche-Orient et, particulièrement, dans cette terre qu’on appelle « sainte » faute de savoir comment nommer la région comprise entre le Jourdain et la Méditerranée, dont saint Jérôme écrivait qu’il avait « honte d’en dire la largeur pour que nous ne paraissions pas offrir aux païens une occasion de blasphémer »1. Le pourquoi de cette situation n’est que trop connu. Deux peuples, qui ont chacun leurs raisons, disent de cette terre : « C’est la mienne ! ». Pour les Israéliens, il suffit d’ouvrir l’Ancien Testament, à peu près n’importe où, pour que l’on y parle de la « terre d’Israël », terre que le Seigneur a juré aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob de donner à leur descendance ; mais le Nouveau Testament aussi en parle comme de la « terre d’Israël » (Mt 2,20-21 ; Lc 4,25.27) ou de la « Judée » (qui parfois, comme en Mt 3,5 ; Mc 1,5 ou Lc 4,44 et ailleurs, ne qualifie pas la seule Judée au sens strict – le territoire de l’ancien royaume du Sud –, mais toute la terre des juifs). Pour eux, c’est leur terre, dont ils ont été injustement expulsés par l’empereur romain Hadrien, après la deuxième révolte juive dans les années 140 de notre ère. Pour les Palestiniens, cette terre est la leur, car ils y habitent depuis toujours : non seulement depuis l’islamisation de la région au viie siècle, ni même depuis près de deux mille ans, mais, revendiquant une origine cananéenne, depuis près de quatre mille ans (avant l’arrivée des Hébreux d’Égypte, avant même celle des Patriarches !). De plus, la naissance de l’État d’Israël fut le résultat d’un dramatique quiproquo, pas tout à fait inconscient : répercutant une phrase qui circulait, semble-t-il, dans certains milieux chrétiens anglo-saxons, on se mit à dire des juifs qu’ils étaient un peuple sans terre, alors que là-bas il y avait une terre sans peuple ; il suffisait donc d’unir ce peuple-ci à cette terre-là et le tour était joué. Malheureusement, la terre n’était pas sans peuple. Lire la suite »